C'est peu de dire que la campagne présidentielle n'intéresse pas Jacques Chirac. Il ne lit guère les journaux, regarde à peine la télévision. Mais il est resté rivé à son écran pour suivre les développements de l'affaire Mohamed Merah, l'auteur revendiqué des tueries de Toulouse et de Montauban. Bien sûr, l'ancien président a aussitôt voulu écrire aux familles des sept victimes, au président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), au grand rabbin de France.
A ce dernier, il a dit combien il était "horrifié par la tuerie" commise le 19 mars dans le collège Ozar-Hatorah de Toulouse, où trois enfants ont péri. "Je tenais, en ces moments si douloureux pour la communauté juive, à vous dire mon immense peine et ma grande douleur devant un acte de barbarie inqualifiable", écrit-il, assurant Gilles Bernheim qu'il est à ses côtés "dans cette terrible épreuve".
Et soudain, c'est le président éternel qui parle : "C'est la Nation tout entière qui est endeuillée et pleure (...). Comme à chaque fois qu'elle est frappée en son coeur, la République doit se rassembler et se lever pour protéger toutes ses filles et ses fils, et lutter sans merci contre toutes les formes de terrorisme, de racisme et d'antisémitisme." Même retiré de la vie politique, même doté d'une santé chancelante et souvent absent à lui-même, il garde la force de ces mots, fussent-ils rédigés pour lui et non par lui. A chacun de ses correspondants, il a adressé quelques lignes de sa main.
Pour le reste, et en dépit des manifestations appuyées de soutien de Bernadette Chirac à Nicolas Sarkozy - "Il sera réélu", "Je suis une militante du sarkozysme" -, l'ancien président s'en va répétant qu'il votera Hollande. "Il est en dents de scie, mais il est parfaitement net et clair quand il le dit", note un ami.
En 2007, il avait confié à Pierre Péan : "Je me fous éperdument que Sarkozy ou tel autre... Je me fous de beaucoup de choses." En 2012, il a retrouvé sa virulence contre le président sortant. Alors qu'il a mis un point d'honneur, une fois élu, à ne jamais critiquer son prédécesseur François Mitterrand et qu'il s'est astreint au silence depuis cinq ans sur son successeur, il a martelé devant un visiteur familier : "Personne n'a dit autant de mal de moi que Sarkozy, vous m'entendez bien, personne !"
EMBARRASSANT AVEU
L'ancien président a-t-il jugé que son épouse était allée trop loin en assurant que le candidat socialiste n'avait "pas le gabarit d'un président" ? Toujours est-il que l'élue de Corrèze a fait machine arrière, pour le site de Nice-Matin, mercredi 28 mars : "Qu'est- ce que je vais vous dire sur François Hollande ? (...) Oublions cela. Est-ce qu'il ne vous est pas arrivé dans la vie, une fois, de dire un mot qui est un p'tit peu... trop... fort par rapport à ce qu'on pensait ?"
L'état de santé de Jacques Chirac lui permettra-t-il d'aller voter en Corrèze, dimanche 22 avril et dimanche 6 mai ? La mémoire vacillante de l'ancien président a rendu sa vie compliquée et éprouvante. Ses proches s'interrogent sur l'éventualité d'un vote par procuration. Nul doute qu'ils y voient aussi le moyen d'éviter les micros tendus à la sortie des urnes vers un embarrassant aveu.
source: le monde 31.03.2012 Béatrice Gurrey
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